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La Jauge

< thème : Architecture et hydrodynamique navales

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Une jauge est, grossièrement, une formule mathématique, incluant un certain nombre de paramètres du bateau, qui a pour but de quantifier le potentiel de vitesse d'un bateau. Le paramètre incontournable étant la longueur à la flottaison, on tient aussi compte de la largeur, du couple de redressement, du déplacement, de la surface de voile…

Il existe plusieurs jauges différentes qui apparaissent, évoluent puis disparaissent, chacune s'estimant la meilleure. Parmi les grandes jauges, on peut citer la Jauge Internationale (5.5, 6, 8, 12 mètres JI), la jauge IOR (International Offshore Rule), la jauge America (class America), et les jauges actuelles IRC, HN et IMS.

Une jauge permet aux équipages de régater ensemble de manière équitable sur des bateaux différents, i.e. de limiter l'influence du bateau dans le résultat final.

Deux cas se présentent dans l'exploitation d'une jauge :

  • La course en temps réel. Si les bateaux ont le même coefficient de jauge, ils sont jugés équivalents. La régate se court alors en temps réel, c'est-à-dire que les temps pris en compte pour les résultats sont les temps effectivement mis pour effectuer le parcours. De grands types de navires ont été ainsi créés, parmi les plus connus, citons les half ton, les trois-quarts ton et les one ton dans la jauge IOR, les 6 et 12 mètres JI dans la Jauge Internationale. Il est évident que ces bateaux sont créés pour la jauge dans laquelle ils courent ; cela implique des détails que nous verrons plus tard.
  • La course en temps compensé. Lorsque des bateaux différents courent ensemble, les disparités de vitesse attenantes aux navires sont telles qu'il est nécessaire de les prendre en compte pour garder l'intérêt de la régate. La jauge permet alors d'obtenir, propre à chaque bateau un "rating", coefficient pondérateur du temps réel. Le temps pris en compte pour le classement de la course est le temps compensé, temps réel pondéré par le rating. Ainsi, le résultat de la régate ne dépend plus que de la valeur de l'équipage

Evidemment, une jauge destinée au temps réel doit être connue des architectes de façon à créer le bateau aux limites des contraintes de la jauge. Par contre, les jauges permettant de déterminer un rating pour le temps compensé sont en général tenues secrètes de façon à éviter que les nouveaux bateaux ne soient optimisés dans l'esprit de la jauge.

Cependant, une jauge, quelle qu'elle soit, ne pourra jamais rendre exactement compte du potentiel d'un bateau.

D'une part, les différentes cotes prises sur le bateau ne décrivent pas exactement la carène et le bateau. D'autre part, un voilier ne marche pas de manière uniforme dans tous les temps et à toutes les allures. Enfin, une jauge est issue d'une philosophie de l'architecture navale. Des architectes originaux peuvent exploiter des " trous de jauge ", paramètres non pris en compte par la jauge, qui rendent le bateau beaucoup plus rapide. Par exemple, Maligawa, plan Fauroux de 1981, pourvu d'une jupe de 3m de long était plus rapide grâce à sa longueur à la flottaison en gîte plus importante que celle de ces concurrents. Heureusement, les trous de jauges sont considérés a posteriori ce qui valut une première place méritée à ce bateau au Mondial 3/4 1981. C'est ainsi qu'une jauge évolue, se complexifie, et rend ses bateaux de plus en plus tortueux à force d'exploiter la formule de la jauge. On se souvient des formes tarabiscotées des derniers 12 mètres JI de la coupe de l'América. Les bosses de jauge des IOR, excroissances de la carène au quart avant des IOR, ont pour but exclusif d'augmenter une mesure prise à cet endroit par le jaugeur.