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Caractéristiques structurelles et hydro de Lion

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Caractéristiques principales du bateau
Particularités Structurelles
Particularités Hydro

Le but de cet article n'est pas de faire la description exhaustive du Lion, mais de présenter quelques points intéressants de sa conception.
Le Lion, dessiné par Stephen Jons dans la jauge IOR , a été construit en 85 à Southampton et fut modifié en 94 afin d'éliminer les handicaps hydrodynamiques induits par la jauge.


Caractéristiques principales du bateau

Longueur hors tout : 10,04 m
Beau maxi : 3,37 m
Déplacement : 3101 Kg
Tirant d'eau : 1,78 m
Matériau : sandwich carbone-kevlar / mousse Airex / résine époxy
Lest : elliptique en plomb

Particularités Structurelles

L'une des particularité séduisantes du LION apparaît dans sa structure : les efforts transversaux (traction du gréement, compression du mat, poids de la quille, de la gueuse de plomb et du moteur) sont concentrés dans une partie de 2m de large sur 3 de long dans le fond du bateau. Le reste de la coque ne fait que supporter les efforts longitudinaux ainsi que les efforts hydrodynamiques. En effet, contrairement aux voiliers classiques, les cadènes sont au fond de la coque, les haubans traversent le pont sans y imposer d'efforts. Ceci présente un avantage en termes de structure, les efforts étant concentrés dans une assise réduite et construite très rigide, mais aussi en termes de répartition des poids, les renforts locaux étant abaissés, le centrage des poids est meilleur, l'inertie en roulis est ainsi diminuée.

Le schéma suivant explicite les zones de contrainte (en bleu) : concentrées dans le cas du LION (à gauche), plus étendues dans le cas de cadènes sur le pont (à droite), même si dans ce cas, les efforts sont repris sous le pont.




Particularités Hydro

Pourquoi modifier un bateau tel que le LION ?

LION a été construit initialement pour être un 3/4 tonner IOR.
Dans cette jauge, on prenait une mesure de la hauteur immergée en un point situé au quart avant du bateau longitudinalement et au dixième de la largeur en latéralement.
Cette mesure permettait d'estimer le volume avant. La bosse de jauge située à cet endroit permet d'augmenter, dans la formule, ce volume désavantageux, et donc de repartir ces dixièmes, gagnés sur la jauge, ailleurs sur le navire.
La marche IOR, décrochement de la coque s'étendant de l'étambot du safran à la jupe, obéit à un principe identique.
La jauge IOR étant abandonnée, LION court à présent en temps compensé dans la jauge CHS en France et en jauge IRC en Angleterre.
Ses bosses de jauges ont donc été rabotées et sa marche IOR comblée ce qui lui a fait gagner un nœud en moyenne et lui rend des lignes gracieuses.
Ces modifications, qui rendent le bateau plus rapide, sont prises en comptes en IRC ou en CHS.
Du moment que l'on n'est plus contraint à la jauge 3/4 IOR, il est toujours intéressant, en régate, d'avoir un bateau rapide, ne serait-ce que pour se dégager d'un adversaire ou pour passer une "tidal gate", barrière de marée qui peut obliger un navire à mouiller pour ne pas reculer.
Ces phénomènes peuvent créer des différentiels de temps très importants qui ne sont pas pris en compte par la jauge.

Pourquoi du plomb dans le fond ?

Nous avons découvert dans le fond de la coque, prise dans la stratification, une nappe de plomb équivalent au tiers de la masse de lest totale.
Pourquoi ?
Dans la jauge IOR, on prend en compte la stabilité initiale dans la formule finale sous forme d'un coefficient correcteur dépendant de cette stabilité initiale et de la largeur à la flottaison.
Ce coefficient correcteur devant rester supérieur à une valeur déterminée par des critères de sécurité, la valeur escomptée de ce coefficient est fixée au minimum. La stabilité initiale optimale pour la jauge dépend alors uniquement de la largeur du bateau à la flottaison.
Cet optimal a vraisemblablement été recherché sur le LION.
Sa stabilité initiale est plus faible que celle de la plupart des voiliers actuels.

Quelques explications

La stabilité initiale d'un navire est le moment de redressement de ce navire pour un très petit angle de gîte. En fait, il s'agit de la pente de la courbe du couple de redressement (en fonction de la gîte en Radian ou en degrés selon les conventions) au point de gîte nulle. Cette valeur peut se retrouver par l'expérience, mais elle est aussi très facile à calculer à partir des plans de forme, du déplacement et de la position du centre de gravité. C'est l'une des raisons pour laquelle elle intervient dans la jauge, une autre étant que c'est moyen de limiter la puissance des voiles d'un bateau.

Comme chacun sait, le dessin d'un navire, surtout en jauge, est une affaire de compromis. Un voilier rapide, en termes de puissance vélique, est un bateau léger, toilé, à fort moment de redressement. Sans jauge, ces impératifs sont déjà contradictoires : par exemple, un bateau toilé induit du poids dans les hauts, incompatible avec la légèreté et le moment de redressement important. Avec une jauge où entre en compte la stabilité initiale, le compromis devient encore plus dur à trouver : on veut un navire à stabilité initiale donnée, mais avec un couple de redressement si possible grand en gîte pour exploiter la puissance des voiles.

Pour diminuer la stabilité initiale, il faut soit diminuer la distance du centre de gravité au métacentre initial (centre de rotation instantané du centre de carène à gîte nulle), qui est le fameux raumoinzat (r-a) bien connu de tous les marins, soit diminuer le déplacement du navire. Le déplacement ayant été choisi, la stabilité initiale se règle en déplaçant verticalement le centre de gravité, soit modifiant la largeur à la flottaison (plus précisément l'inertie de la surface de flottaison). Ceci a été fait sur Lion en plaçant une partie du lest, non en bout de quille comme on le voit sur les carènes actuelles moins contraintes par la jauge, mais dans le fond de la coque, ce avec une largeur à la flottaison faible. Ainsi, en rehaussant le centre de gravité, ceci diminue le (r-a) et permet d'obtenir la stabilité initiale désirée.

Cependant, ce poids n'est pas totalement inutile car, une fois que le bateau gîte, le centre de carène se déplaçant sous le vent, un moment de redressement est créé par cette masse dans les fonds, d'autant que le LION étant large au-dessus de la flottaison, le centre de carène s'écarte d'autant de la masse. Le poids ajouté dans les fonds du bateau permet donc en partie au LION de supporter sa toile. Il n'en reste pas moins que cette contrainte de jauge fait du LION un bateau moins raide à la toile que les voiliers plus récents, cependant qu'elle lui confère un comportement à la barre beaucoup plus proche du dériveur que du quillard et une extrême sensibilité aux déplacements de poids.

LION est finalement un navire léger, toilé, pourvu d'un assez bon moment de redressement. Ceci en fait un bateau rapide très sensible à la gîte par petit temps, redoutable et redouté dans les petits airs par de nombreux bateaux plus grands.

Puisqu'on est lancé

Tant que nous y sommes, il serait dommage, à ce point d'avancement, de ne pas tordre le cou à une idée reçue. Contrairement au pendule simple, il n'est pas nécessaire, pour qu'un bateau soit stable, d'avoir son centre de gravité (point où s'applique le poids) en dessous du centre de carène (barycentre de la partie immergée de la carène, point où s'applique la force de poussée hydrostatique) !!! En effet, il faut seulement que le métacentre instantané soit au-dessus du centre de gravité. Plus simplement, il suffit que le centre de carène, avec la gîte, s'écarte plus de l'axe du bateau que le centre de gravité.